Faire ses nuits
« Est-ce qu’il fait ses nuits ? »
Cette question je l’ai entendue mille fois, et à chaque fois elle me faisait aussi mal. Si la réponse était « oui » cela signifie donc que j’ai un « bon bébé » et si je devais répondre par la négative, c’est que je devais avoir un « mauvais bébé »… J’ai toujours répondu par la version courte : « Oui , il fait ses nuits, mais il se réveille entre 2 et 4 fois ». Voici la version longue : « Oui, il s’endort tous les soirs vers 19h, avec le soleil, et se lève vers 6h du matin mais il se réveille quelques fois par nuit pour faire pipi et /ou être allaité, il a les yeux fermés tout le long, puis il se rendort, collé contre moi ».
En général, ses réveils ne me dérangent absolument pas, la plupart du temps, le lendemain je ne pourrais même pas dire combien de fois il s’est réveillé. Nous dormons avec notre coco et cela a tellement d’avantages à mes yeux. Matteo ne doit pas pleurer fort et longtemps pour que j’aille le voir, et cela me permet de le rendormir très facilement. Lorsque je l’allaite la nuit je suis dans un monde unique, entre la veille et le sommeil, et la seconde où je le redépose, pouf, je me rendors.
Des études réalisées par le professeur James McKenna (LE spécialiste du co-dodo) ont montré que lorsque la mère et son bébé dorment ensemble, les phases de leur sommeil se synchronisent !!! Pensez-y un instant : c’est complètement fascinant n’est ce pas ! Un peu comme des femmes qui vivent sous le même toit et sont menstruées en même temps. En pratique cela veut dire que quand Matteo se réveille, c’est presque toujours à la fin de mon propre cycle de sommeil, et je ne me sens donc pas si fatiguée. De plus, l’allaitement facilite énormément le rendormissement rapide du bébé ET de la mère via son contenu en opiacés naturels apaisants. Je vous invite vraiment à jeter un oeil à ce texte super intéressant qui résume bien des études (cliquez ici).
Lorsqu’on dit « faire ses nuits », en fait, ce qu’on voudrait c’est que le bébé « fasse nos nuits de parent» ! Or un bébé n’a pas le même type de sommeil qu’un adulte. C’est CONCU comme ça, expressément, et c’est bien pensé ainsi. Pour se donner le plus de chances de survivre, le bébé a BESOIN de se réveiller pour boire du lait de sa mère très fréquemment à cause de la constitution du lait maternel (très faible en gras et en protéines afin d’être adapté au système digestif immature du bébé et riche en lactose, un sucre dérivé du glucose, pour nourrir le cerveau en plein développement). Comme le dit McKenna :
Apart from being a natural characteristic of our species, constant proximity to the mother during infancy is also made necessary by the need to feed frequently. Human milk is composed of relatively low amounts of protein and fat, and high amounts of quickly absorbed and metabolized sugars. Therefore the infant's hunger cycle is short as is the time spent in deep sleep. The necessity of short intervals between breast feeds makes mother–infant co-sleeping not only expectable but biologically necessary.
Sleep laboratory studies have shown that bed-sharing, instead of sleeping in separate rooms, almost doubled the number of breast-feeding episodes and tripled the total nightly duration of breast-feeding. Infants cried much less frequently when sleeping next to their mothers, and spent less time awake. We think that the more frequently infants are breast-fed, the less likely they are to die from SIDS (Sudden Infant Death Syndrom).
Ainsi, les réveils fréquents seraient une façon de protéger le bébé contre la mort subite. Ainsi il y aurait des « réveils sécuritaires » (protective arrousals), un mécanisme de protection: le système neurologique du bébé étant encore en développement, celui-ci pourrait « oublier » d’activer la respiration en cas de sommeil trop profond (où des périodes d'apnées se produisent), ce qu’on appelle le syndrome de la mort subite du nouveau-né (SIDS en anglais).
Il est important de savoir que, même si cela ne nous plaît pas toujours, le sommeil des bébés EST DIFFERENT de celui des adultes, et il change avec le temps pour devenir comme le nôtre. Les différentes phases de leur sommeil s’alternent beaucoup plus rapidement et ils passent une période beaucoup plus importante que les adultes en phase de « sommeil paradoxal (REM=rapid-eye-movement) » qui est le sommeil où l'on rêve et où tant d’apprentissages sont « processés » par le cerveau.
Le sommeil des bébés qui dorment avec leur mère est aussi différent de celui de ceux qui dorment seuls. Ces derniers passent plus de temps dans un sommeil profond et se réveillent moins souvent (ce qui est vu comme « positif » par les parents fatigués et pressés que l’enfant fasse ses nuits mais qui du point de vue physiologique représente un plus grand risque de Mort Subite pour l’enfant). Ainsi, une étude internationale menée par plus de 20 chercheurs (citée ici www.naturalchild.org/james_mckenna/cosleeping.pdf p.149) a révélé que c’est dans les cultures où les taux de co-dodo sont les plus élevés que le taux de Mort Subite du Nouveau-né sont les plus bas.
Je comprends bien que les mamans qui sont obligées de retourner au travail après 3 mois (comme c’est le cas en Europe) et qui doivent être « productives » le lendemain ne trippent pas sur les réveils nocturnes de leur petit et ont hâte qu’il dorme 12h d’affilée… Mais au Québec nous avons l’immense chance d’avoir 1 an de congé de maternité. Un an pour que notre priorité soit notre bébé. D'où mon cri du coeur pour qu'on donne le temps au bébé de s'adapter à notre sommeil et qu'on n'applique pas les méthodes de "cry-it-out" pour forcer l'enfant à faire ses nuits. Voir aussi mon post du mois de mars à ce sujet.
Je ne me suis jamais battue pour que mon fils dorme plus la nuit. Je me dis qu’il va chercher le lait dont il a besoin et que c’est très bien ainsi. Ses réveils sont considérés comme des besoins et non pas des caprices pour me pourrir l’existence. J’ai donc adapté ma vie en tenant compte de son rythme à lui.
Voici mon kit de survie : les premiers mois, je faisais souvent des siestes le jour en même temps que lui pour récupérer, j’allais dormir plus tôt le soir et aussi, j’avais la formidable carte du « super papa ». En effet, Pascal passe environ 1H30 tous les matins avec Matteo pendant que je continue à dormir, puis il me réveille lorsqu’il doit quitter pour le travail. Ces matins sont « leur petit moment à eux » où ils trippent entre gars et développent une complicité attendrissante.
Et puis, tout naturellement, tout lentement le sommeil du coco a tellement changé. La semaine passée, pour la toute première fois de sa vie, à 16 mois, il a passé une nuit complète sans être allaité, « fait une nuit » ! Le fait qu’il mange de plus en plus et qu'il réclame moins le sein, qu’il ait grandi, que sa capacité à moins uriner la nuit augmente et qu’il ne se réveille donc presque plus pour faire pipi sont tous des facteurs qui contribuent à faire en sorte que nos nuits ont bien changé depuis le temps qu’il était « tout fraîchement né ». Maintenant, il ne fait plus qu’une seule grande sieste d’environ 2-3 heures en après midi et depuis quelques mois, il s’endort beaucoup plus tard aussi, vers 20h30 pour se réveiller vers 7h30. Je ne sais pas si ça c’est à cause de l’été et l’ensoleillement tardif ou bien parce qu’il grandit ? Mais disons que j’apprécie ne plus me réveiller à 5 h du mat' ! Par contre, comme toute médaille a son revers : ça signifie qu’on a moins de temps d’amoureux en soirée… et le co-dodo implique aussi qu’on a moins d’intimité de couple…
Mon point de vue là-dessus est que c’est un stade temporaire, cela durera peut être encore une année ou deux, et puis, très progressivement coco pourra s’endormir dans son lit et venir nous rejoindre, pour un jour ne plus se réveiller la nuit. A son rythme... Mon rêve est d’avoir tous nos enfants (car il y en aura au moins un autre) qui dorment dans la même chambre jusqu’à l’adolescence ou jusqu’à ce qu’ils manifestent le besoin d’avoir leur chambre. Après tout, qui aime dormir tout seul ???
Voici donc mon post sur le sommeil et le co-dodo. Pour en savoir plus, voici un super article "les 7 choses que les parents doivent savoir à propos des pleurs du bébé" et ci-dessous des extraits d’un article de Mc Kenna que vous trouverez en entier ici :
Throughout human history, breast-feeding mothers sleeping alongside their infants constituted a marvelously adaptive system in which both the mothers' and infants' sleep physiology and health were connected in beneficial ways. By sleeping next to its mother, the infant receives protection, warmth, emotional reassurance, and breast milk - in just the forms and quantities that nature intended.
This sleeping arrangement permits mothers (and fathers) to respond quickly to the infant if it cries, chokes, or needs its nasal passages cleared, its body cooled, warmed, caressed, rocked or held. This arrangement thus helps to regulate the infant's breathing, sleep state, arousal patterns, heart rates and body temperature. The mother's proximity also stimulates the infant to feed more frequently, thus receiving more antibodies to fight disease. The increased nipple contact also causes changes in the mother's hormone levels that help to prevent a new pregnancy before the infant is ready to be weaned. In this way, the infant regulates its mother's biology, too; increased breast-feeding blocks ovulation, which helps to ensure that pregnancies will not ordinarily occur until the mother's body is able to restore the fat and iron reserves needed for optimal maternal health.
(…) Our scientific studies of mother and infants sleeping together have shown how tightly bound together the physiological and social aspects of the mother-infant relationship really are. Other studies have shown that separation of the mother and infant has adverse consequences. Anthropological considerations also suggest that separation between the mother and infant should be minimal. Western societies must consider carefully how far and under what circumstances they want to push infants away from the loving and protective co-sleeping environment. Infants' nutritional, emotional and social needs as well as maternal responses to them have evolved in this environment for millennia.